Lever les yeux

Face aux tours scintillantes de la ville, un homme contemple une croix lumineuse formée par un gratte-ciel et son reflet technologique. Relié à son téléphone par un câble, il semble hésiter entre l'appel du divin et l'emprise de la modernité. Derrière lui, les symboles de progrès et de connexion s'élèvent : l'ADN en spirale et les antennes des gratte-ciel tracent un réseau entre ciel et terre. Pourtant, l'humanité semble petite face à cet univers numérique, cherchant un chemin au milieu des lumières artificielles et des promesses technologiques. La foi peut-elle encore éclairer notre route dans un monde dominé par les écrans ?

Je ne sais pas pourquoi je note tout ça. Peut-être parce qu’il y a des jours où l’évidence nous frappe, où la réalité se dévoile dans sa cruauté la plus nue. Ce matin, je suis assis devant mon bureau, face aux tours de La Défense.

La Défense ! Se défendre contre quoi, contre qui ? Une bien frêle couverture face au Dieu de Babel, ne trouvez vous pas ?

J’écris ces lignes comme on lance une bouteille à la mer. Comme une prière silencieuse.

Les tours s’élèvent devant moi, et je ne peux m’empêcher de penser à tous ces gens, ces milliers de vies qui s’empilent, étage après étage. Des vies connectées, hyper-connectées, ultra-connectées. Des vies qui ne se touchent plus.

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C’est peut-être ça, le nouveau calcul de nos existences.

« Que sert à l’homme de gagner le monde entier, s’il perd son âme ? » (Marc 8:36)

Je me demande ce que Dieu pense de nos écrans. S’il nous regarde à travers nos caméras frontales. Si nos prières passent encore quand il n’y a plus de réseau.

Hier, dans le métro : Une femme pleurait. Son téléphone brillait dans ses mains comme un chapelet moderne. Personne ne l’a regardée. Moi non plus.

Je devrais peut-être avoir honte de l’écrire.

Il y a quelque chose de vertigineux dans notre époque. Quelque chose qui donne le tournis. Nous construisons des tours toujours plus hautes, des réseaux toujours plus vastes, des connexions toujours plus rapides. Comme si la hauteur pouvait nous rapprocher du ciel. Comme si la vitesse pouvait nous faire oublier notre finitude.

Là bas, quelque part dans la Silicon Valley, des hommes en sweat à capuche redessinent même le monde. Ils parlent d’intelligence artificielle comme on parlait jadis des miracles. Ils promettent l’immortalité digitale comme on promettait le paradis.

Pourtant, comme hier, l’homme moderne a peur. Il a peur de la mort, peur de la solitude, peur du silence, peur de lui-même. Alors il se réfugie dans le bruit de ses machines, dans le bourdonnement incessant de ses réseaux sociaux. Il confesse ses péchés à Google plutôt qu’à Dieu, communie avec son smartphone plutôt qu’avec le Corps du Christ. Un nouveau veau d’or est né ! Et nous l’aimons !

Ce matin, j’ai pris un café avec Claire. Sans téléphone. Juste nous. Nos voix. Nos silences. Notre humanité nue.

C’était comme retrouver une vieille amie. Comme revenir à la maison.

Je crois que c’est ça qu’on appelle la grâce. Ces moments où l’on se rappelle qu’on est plus que des messages, plus que des smileys sur un écran.

Les tours de La Défense continuent leur ascension impossible vers le ciel. Mais ce soir, pour la première fois depuis longtemps, j’ai envie de lever les yeux de mon smartphone. De regarder à hauteur d’homme. De voir ces visages que nous croisons sans les voir, ces âmes que nous frôlons sans les toucher.

Je ne sais pas si Dieu existe. Mais je crois.

Je ne sais pas s’il nous regarde.

Mais je sais que nous, nous avons oublié de nous regarder.

« Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous » (Jean 1:14)

Et peut-être que c’est par là qu’il faut recommencer.

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