Marie

Image artistique dans un style cyberpunk/science-fiction. Au premier plan, une jeune femme au profil délicat est photographiée de profil, ses longs cheveux noirs flottant légèrement dans le vent. Elle porte un haut en dentelle bleue qui laisse ses épaules dénudées. En arrière-plan se dresse une ville futuriste avec de hauts gratte-ciels aux façades de verre et d'acier, baignés dans une lumière bleu-vert surréaliste. Le ciel est couvert de nuages menaçants traversés par quelques rayons de lumière. Au loin, une silhouette solitaire se détache sur le trottoir. L'ambiance générale est mystérieuse et mélancolique, typique de l'esthétique cyberpunk.

Je pense à Marie aujourd’hui.

Pas celle des icônes dorées, pas celle des cathédrales.

La Marie des HLM.

La Marie du vingt-et-unième siècle.

Chaque matin, je la vois sur le parvis de La Défense.

Elle traverse, son sac en bandoulière usé sur l’épaule, ses cheveux attachés à la hâte.

Et je ne sais pas pourquoi, mais je pense à l’autre Marie. Celle de Nazareth.

Je me demande souvent si la foi peut survivre entre les murs de béton.

Marie doit avoir dix-huit ans, peut-être. Comme l’autre.

Elle vit sûrement au sixième étage d’une tour sans ascenseur, dans un deux-pièces qu’elle partage avec sa mère.

Les murs sont si fins qu’on devine la vie des voisins : les disputes, les bébés qui pleurent, et la ville qui murmure jusqu’à l’aube.

C’était peut-être pareil à Nazareth.

Le bruit.

La promiscuité.

La vie qui déborde de partout.

Un jour, je l’ai vue s’arrêter net au milieu du parvis.

Elle s’est immobilisée, comme si le monde entier avait suspendu son souffle.

Quelque chose venait de la frapper. Une révélation, peut-être.

Pas un ange aux ailes éclatantes. Mais une force invisible, un appel qui l’a traversée d’un seul coup. Son regard s’est levé, comme si, au milieu de l’acier et du béton, elle commençait à apercevoir enfin autre chose.

Une fissure dans l’ordinaire. Une lumière à travers un ciel trop gris.

Je pense au « oui » de Marie.

Un oui qui n’était ni facile, ni évident.

Un oui qui a déchiré le temps en deux.

Notre Marie moderne, elle aussi, porte quelque chose en elle.

Pas un enfant-Dieu. Mais une force. Une lumière. Une possibilité.

Je la vois descendre les escaliers du RER chaque matin.

Remonter chaque soir.

Ses pas, lourds parfois, résonnent comme une prière silencieuse.

J’aimerais lui dire que la grâce existe encore.

Qu’elle surgit parfois dans des moments où tout semble perdu.

Qu’elle éclate, là, où on ne l’attend pas : au détour d’un couloir de métro, entre un tag et une poubelle renversée.

Peut-être dans ce regard qu’elle a levé ce matin-là.

Peut-être dans cet instant où elle a perçu, sans le savoir, que tout peut changer.

Que le monde, même dans ses angles les plus rugueux, peut encore offrir une échappée.

Je pense à toutes les Maries.

Celles d’hier.

Celles d’aujourd’hui.

Celles qui portent en elles une force qu’elles ignorent encore.

Un « oui » en attente d’être prononcé.

Car la sainteté n’a pas besoin de vitraux pour exister.

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