Ils sortent, ils débordent, ils jaillissent. Comme d’une plaie ouverte. Une confession ? Plus qu’une confession : une exhibition. Jésus l’a dit : « Ce qui sort de la bouche, c’est le cœur qui parle » (Luc 6, 45). Parfois, notre coeur se cache derrière des mots lisses, des phrases bien polies. Mais tôt ou tard, la vérité éclate. Les mots trahissent ce que nous sommes vraiment.
Et nous, dans ce monde saturé d’écrans, de lumières clignotantes, de notifications incessantes, on parle. On écrit. On commente. On parle trop. Mais qu’est-ce qu’on dit, au juste ? Quels mots envoyons-nous dans l’air, dans le vide, dans le néant ?
Des mots qui blessent. Des mots qui tuent.
Des mots qui s’accrochent à la peau, qui brûlent.
Des mots jetés sur les réseaux, laissés comme des pièges invisibles.
Des mots qui poussent un adolescent à se jeter par la fenêtre.
Des mots qui incitent un fanatique à lever son arme…
Oui, les mots tuent. Il faut le redire. Il faut en prendre la mesure.
Et puis, il y a les autres mots. Ceux qui sauvent. Ceux qui relèvent. Les mots de solidarité, de générosité, de tendresse. Les mots qui réchauffent, qui enveloppent, qui maintiennent debout. Les mots qui murmurent : « Je suis là. Tu n’es pas seul. » Des mots comme des mains tendues, des mots qui sont des actes.
Ben Sira le sage nous avertit : « La parole est un tamis » (Si 27, 4). Elle filtre, elle révèle. Ce qu’on est vraiment, ce qu’on porte en nous. Elle sépare le bon grain de l’ivraie. Elle expose ce que l’on croit caché.
Alors, posons-nous la question :
La caissière, là, qui a les traits tirés, à qui personne ne fait attention… tu lui dis quoi ?
L’automobiliste qui te coupe la route… tu cries quoi ?
Tes voisins, leurs choix, leurs différences… tu en parles comment, chez toi, à voix basse ou à voix haute ?
Nos mots nous trahissent. Ils nous révèlent. Ils sculptent le monde autour de nous.
Mais la parole n’est pas qu’un danger. Non.
Dans nos églises, dans nos communautés, il y a des mots qui pansent les blessures.
Un « Bonjour », un sourire, un témoignage.
Il y a ces mots qui disent : « Viens, tu as ta place ici. »
Ces mots qui s’avancent dans la nuit et te chuchotent à l’ oreille : « Appelle-moi si ça ne va pas. N’importe quand. Vraiment. »
Des mots qui redonnent espoir, qui relèvent, qui reconstruisent. Des mots qui, parfois, deviennent prière.
Et puis, il y a le monde.
Le monde qui s’enflamme, qui se divise, qui s’écharpe sur tout.
L’agriculture, l’immigration, les frontières, les crises, les peurs.
Et nous, chrétiens, au milieu de tout ça… où sommes-nous ? que faisons-nous ?
Nous sommes les artisans de paix, oui, mais comment ? En écoutant.
Écoutons-nous, vraiment ? Ou bien réagissons-nous au quart de tour, prêts à juger, à généraliser, à catégoriser, à trancher ?
Cherchons ce qui unit, ce qui rassemble. Parlons moins, peut-être, pour mieux écouter. Choisissons des mots qui apaisent, qui éclairent, qui guérissent.
Cette semaine, chaque semaine, il faut se poser la question.
Nos mots, sur les réseaux, dans la rue, à la maison, au travail… ils disent quoi ? Ils disent qui ?
Ils reflètent quoi ? La foi ? L’amour ? Le Christ ? Ou bien autre chose ?
Et ces mots du quotidien, les plus simples et les plus essentiels :
« Merci. »
« Pardon. »
« Je t’aime. »
« Je comprends. »
Les dit-on assez ? Les dit-on vraiment ?
Parce que chaque mot compte.
Chaque mot est une graine.
Une graine qui peut germer, qui peut grandir, qui peut construire.
Le Royaume de Dieu, oui, il se construit comme ça.
Avec des mots.
Des mots qui viennent du cœur. Des mots qui ne mentent pas.
Des mots qui, comme ceux du Christ, sont à la fois vérité et miséricorde.
Des mots qui disent : « Viens, suis-moi. » Des mots qui disent : « Je te pardonne. » Des mots qui disent : « Tu es aimé. »