Je regarde l’écran de mon téléphone. Encore. Un réflexe pavlovien. Je scrolle, comme ils disent. Les images défilent, sans fin. Je me demande ce que je cherche vraiment. Peut être la satisfaction de trouver quelque chose quand je cherche.
Il y a cette église, au coin de ma rue. J’y passe devant chaque matin. Parfois, je m’arrête. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être pour le silence. Un silence qui contraste violemment avec le vacarme de ma vie. Le Christ, figé dans son éternité, cloué à sa croix. Toujours la même pose, la même souffrance muette.
Comment supporter une telle image ? Cette horreur silencieuse. Et pourtant, il y a quelque chose. Une force qui vous happe, vous retourne, vous dévore. La vérité. Elle n’est pas dans le mouvement, dans le bruit. Elle est là, dans l’immobilité. Dans ce qui ne bouge pas, dans ce qui reste.
Je pense à ma grand-mère. Elle aurait ri de nous voir ainsi. Tous ces gens, le nez collé à leurs écrans, fuyant quelque chose qu’ils ne veulent pas nommer. L’essentiel, peut-être.
Les mots me viennent par bribes. Amour. Foi. Dieu. Des mots qu’on n’ose plus prononcer. Des mots devenus obscènes dans notre monde de likes et de followers. Je les dicte dans mon téléphone, comme on consigne des espèces en voie de disparition. Les relirai-je ?
Nous refusons de croire sans preuves, mais nous nous laissons convaincre sans aucune résistance par ce qui défile sous nos doigts. Il est plus facile d’adhérer à une tendance qu’à une éternité.
Hier, j’ai vu une femme prier. Elle était seule dans l’église. J’ai ressenti une forme de gêne, comme si j’étais témoin de quelque chose d’intime. De trop intime. Nous avons perdu l’habitude de voir la foi s’exposer ainsi, sans filtre, sans hashtag.
Je me souviens des dimanches de mon enfance. L’odeur de l’encens. Les vitraux. La lumière qui traversait l’église. Tout cela me semblait normal alors. Aujourd’hui, ça me paraît presque subversif. Comme un acte de résistance face à notre modernité aseptisée.
Je ferme les yeux. J’essaie d’écouter ce silence. Ce silence qui dit peut-être quelque chose. Quelque chose que nous avons oublié d’entendre, à force de bruit, à force de fuir. Quelque chose comme une caresse invisible, un souffle, ce silence manifesté qui murmure « Viens », « Suis Moi », « Tu es aimé ».