Ô Seigneur, quel ennui que d’être adulte ! Où sont parties les journées où l’on passait des heures à contempler une fourmi traverser un chemin, en croyant vivre une aventure extraordinaire ? Où l’on s’émerveillait de la rosée du matin ou des nuages ressemblaient à des moutons ? Désormais, on compte les jours, on s’inquiète de son avenir, et ce sont les réunions du lundi matin et la déclaration d’impôts qui occupent nos pensées. Quelle horreur !
Vous souvenez-vous de ces mots, Seigneur ? « Laissez venir à moi les petits enfants. » Vous nous rappeliez ainsi, Seigneur, que le Royaume des Cieux appartient à ceux qui savent garder une part d’enfance dans leur cœur. Une injonction à la régression, si j’ose dire… Mais quelle régression ! Celle qui nous ramène à l’essentiel, à regarder le monde avec les yeux d’un enfant, c’est-à-dire avec une innocence et une curiosité sans limite.
Pensons à ces petites créatures qui passent leur temps à nous demander pourquoi le ciel est bleu ou pourquoi les oiseaux chantent. Elles ont en elles quelque chose que nous avons oublié : la vie est une énigme à savourer, pas un problème à résoudre.
Et quelle confiance absolue ! Leurs petits cœurs battent au rythme de cette foi inébranlable en ceux qui les entourent. Elles ne se demandent jamais si leurs parents les aiment, elles avancent avec la certitude tranquille que quelqu’un veille sur elles. Les adultes sont des géants bienveillants, des protecteurs infaillibles. Un jour, elles se lancent dans l’inconnu, sûres que des bras les rattraperont toujours, comme si l’univers tout entier était un filet invisible prêt à les accueillir…
Vous nous avez créés simples, Seigneur, et nous, nous sommes devenus compliqués. Nous avons dressé des cathédrales de concepts, des labyrinthes de théories, pour nous rassurer et finalement pour nous perdre nous-mêmes.
Je vous confesse, Seigneur, que c’est vrai, parfois j’en ai marre du monde adulte, des « on peut quand même pas… », des « parce que » et autres freins qui m’empêchent d’aimer pleinement mon prochain…
Je revendique la normalité de me lever à 2h00 du matin pour aller relever un ami au fond d’un fossé, de poser une semaine de congé pour aller partager avec un frère en détresse et que parfois même, j’ai envie de redevenir ce petit être insouciant qui ne demandait qu’à vivre un jour à la fois, qui croyait que les nuages étaient des moutons et que les arbres avaient des oreilles.
Alors, merci, Seigneur, pour cette invitation à la simplicité. Je l’accepte avec joie, et avec l’espoir de retrouver un jour cette innocence perdue à l’aune d’une parodie de connaissance bien éphémère. « Dis papa, c’est encore loin la mer ? »