Les cicatrices de l’âme
Ces marques que nous portons, ces cicatrices gravées comme des lignes indociles sur notre peau, racontent une histoire que le temps a sculptée malgré nous. Des reliefs, des creux, des lignes qui témoignent de nos failles, de nos luttes. Elles sont visibles, ces cicatrices, bien nettes, parfois fières, souvent enfouies, traçant la géographie fragile de nos vies.
Mais que dire de celles qu’on ne voit pas, de celles qui se terrent au plus profond de notre être, dans ces replis secrets de l’âme ? Ah, celles-là ont cette cruauté muette d’un mal de dents sournois qui se réveille par temps d’orage, d’un fantôme entêté qui revient troubler le calme de nos nuits.
On nous a appris à cacher tout cela. À sourire, à faire semblant, comme si souffrir était une erreur, un acte honteux à glisser sous le tapis. Mais la foi, elle, murmure tout autre chose. Elle nous dit que la douleur n’est pas une faiblesse, mais une épreuve offerte, une porte que l’on franchit pour s’approcher un peu plus du mystère, pour toucher de l’âme ce qui nous dépasse.
C’est au cœur de ces failles que se glisse la grâce. Une grâce discrète, mais puissante, qui trouve son chemin dans nos fêlures et nos faiblesses comme la lumière perçant un ciel d’orage. Elle nous révèle, en filigrane, que nos blessures ne sont pas des échecs ; elles sont la promesse d’une renaissance, un seuil à franchir vers une vie différente, plus vraie.
Mais pour cela, il faut d’abord accepter notre propre fragilité, se reconnaître impuissants à extraire seuls ces racines d’amertume qui empoisonnent notre cœur, s’abandonner à quelque chose qui nous dépasse. La miséricorde divine n’est pas une facilité ; c’est une force qui exige de nous un lâcher-prise, une foi radicale. Elle appelle un abandon, celui de toutes nos résistances, pour que nos ténèbres soient transformées en sources de lumière.
Nos cicatrices alors deviennent plus que des souvenirs de souffrance ; elles se transforment en marques vivantes de notre survie, de notre capacité à renaître. Les Japonais ont cette merveilleuse image du Kintsugi, cet art de réparer les objets cassés en recouvrant les failles d’or pour en faire des œuvres d’une beauté étrange, irrégulière. Ce n’est plus la perfection qui compte, mais l’histoire de chaque fissure, chaque éclat. C’est cela aussi, nos fêlures : elles ne sont pas des signes de défaite, mais des témoignages d’un chemin vers Dieu, d’une rencontre avec le sacré.
Ainsi, nos blessures s’inscrivent elles dans une histoire plus grande, celle de l’amour divin. Elles sont les traces de ce dialogue intime et fragile avec Dieu. En partageant cette histoire, en osant dire ce que la miséricorde a laissé en nous, peut-être pouvons-nous offrir aux autres un peu de cette lumière, un peu de cette consolation fragile mais tenace.
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